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On attend quelque chose.

L’air est chargé de messages qui restent inexprimés.

On devine leur présence.

 

 

Tarjei Vessas, Les Ponts

 

 

 

 

 

 

 

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Hiroshi Sugimoto, Theatres

 

 

 

 

 

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EAST COKER - T.S. ELIOT (EXTRAIT)

 

 

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La Terre vaine, T.S. Eliot

 

 

 

 

Interstices ?

 

 

 

 

"(…) La question n’est plus celle de l’association ou de l’attraction des images. Ce qui compte, c’est au contraire l’interstice entre images, entre deux images : un espacement qui fait que chaque image s’arrache au vide et y retombe.

 

En d’autres termes, c’est l’interstice qui est premier par rapport à l’association, ou c’est la différence irréductible qui permet d’échelonner les ressemblances.

 

Il ne s’agit plus de suivre une chaîne d’images, même par-dessus des vides, mais de sortir de la chaîne ou de l’association.

 

C’est la méthode du ENTRE, « entre deux images », qui conjure tout cinéma de l’Un. C’est la méthode du ET, « ceci et puis cela », qui conjure tout cinéma de l’Etre = est. Entre deux actions, entre deux affections, entre deux perceptions, entre deux images visuelles, entre deux images sonores, entre le sonore et le visuel : faire voir l’indiscernable, c’est-à-dire la frontière (…)"

 

 

Gilles Deleuze, L’Image-temps. Cinéma 2, Coll. Critique, Ed. de Minuit, 1994, p.234-235

 

 

 

 

 

"Qu’en est-il des lieux dans un contexte de brouillage spatial ? Ils sont en mouvement et engendrent leur faille, leur étrangeté, en eux et entre eux. Ils déclenchent une expérience de la présence et de l’absence conjuguées, de la clôture et de l’ouverture, du corps et de l’image, dont la danse contemporaine, la photographie, le cinéma, sont des expressions symptomales.

 

Une anthropologie du diffus est requise afin d’appréhender le « sentir » qui se niche dans les interstices, au creux des images, dans la traversée des lieux."

 

 

Alain Mons,

L’Intervalle des lieux

 

 

 

 

« Une sorte de cartographie spatiale se dessine, avec des figures du centre, des hyper-lieux traversés par toutes sortes de populations, de mouvements sociaux, comme des hors lieux, des interstices où ces jeunes gens essaient de survivre.  »

 

 

Sylvain George,

Joffrey Speno  27 mars 2017  Cinéma, Documentaire, Entretiens - Diacritik

Paris est une fête – Un film en 18 vagues : Entretien avec Sylvain George

 

 

 

 

 

 

 

Image ?

 

 

 

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« Le mot d’image est mal famé parce qu’on a cru étourdiment qu’un dessin était un décalque, une copie, une seconde chose, et l’image mentale un dessin de ce genre dans notre bric-à-brac privé.

 

Mais si en effet, elle n’est rien de pareil, le dessin et le tableau n’appartiennent pas plus qu’elle à l’en-soi.

 

Ils sont le dedans du dehors et le dehors du dedans, que rend possible la duplicité du sentir, et sans lesquels on ne comprendra jamais la quasi-présence et la visibilité imminente qui font tout le problème de l’imaginaire »

 

 

Maurice Merleau-Ponty, L’œil et l’esprit (1960)

 

 

 

 

 

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Claudio Parmiggiani

Delocazione

 

 

 

"Avec Delocazione commença, pour Parmiggiani, une longue série d'expérimentations sur les processus d'empreinte et le retrait des choses, sur les matières de cendre et sur l'oeuvre du feu"

 

 

George Didi-Huberman,

Génie du non-lieu

Air, poussière, empreinte, hantise

p.29

 

 

 

 

 

 

S3 : INTERSTICES (?)

 

 

 

 

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L’écrivain Roland Barthes, dans sa lettre intitulée Cher Antonioni, fut le premier à rapprocher l’esthétique antonionienne, sa démarche d’artiste, de l’art oriental :

 

 

« Je pense au mot du peintre Braque : « Le tableau est fini quand il a effacé l’idée ». Je pense à Matisse dessinant un olivier, de son lit, et se mettant, au bout d’un certain temps, à observer les vides qui sont entre les branches, et découvrant que par cette nouvelle vision il échappait à l’image habituelle de l’objet dessiné, au cliché « olivier ». Matisse découvrait ainsi le principe de l’art oriental, qui veut toujours peindre le vide, ou plutôt qui saisit l’objet figurable au moment rare où le plein de son identité choit brusquement dans un nouvel espace, celui de l’interstice. D’une certaine manière, votre art est lui aussi un art de l’Interstice (…), et donc, d’une certaine manière aussi, votre art a quelque rapport avec l’Orient. »

 

 

Roland Barthes, Cher Antonioni…, Cahier du cinéma, n. 311, Paris, mai 1980 In Michelangelo Antonioni (vol 1, 1942/1965), sous la dir. De Carlo di Carlo, Rome, Ed. Ente Autonomo  di Gestione per il Cinema, 1988, p.287. Nous utiliserons désormais l’abréviation DCC pour mentionner cet ouvrage 

 

 

 

 

 

"Dans l'optique chinoise, le Vide n'est pas, comme on pourrait le supposer, quelque chose de vague ou d'inexistant, mais un élément éminemment dynamique et agissant. Lié à l'idée des souffles vitaux et du principe d'alternance Yin-Yang, il constitue le lieu par excellence où s'opèrent les transformations (...)"

 

François Cheng, Vide et plein, Points, p.45

 

 

 

 

LIRE LE TEXTE : Vide et plein - François Cheng :

 

Vide et plein-Cheng.pdf

 

 

 

 

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Ouverture de Pierrot le fou (JLG),

texte d'Elie Faure, L'Histoire de l'art - L'Art moderne 1 :

 

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« Si on nettoyait les portes de la perception,

chaque chose apparaitrait à l’homme telle qu’elle est - infinie.

 

Car l’homme s’est refermé sur lui-même

jusqu’à considérer toutes choses par les brèches étroites de sa caverne. »

 

William Blake, Le Mariage du ciel et de l’enfer

 

 

 

 

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« Chez Monet, il s’agit non pas de représenter les différents états des meules de foin sous diverses lumières, mais l’espace intermédiaire qui correspond au passage d’un état à l’autre »

 

Anselm Kiefer

 

 

 

 

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« …l’expérience de la dés-illusion, où justement nous apprenons à connaître la fragilité du « réel ». Car lorsqu’une illusion se dissipe, lorsqu’une apparence éclate soudain, c’est toujours au profit d’une nouvelle apparence qui reprend à son compte la fonction ontologique de la première. Je croyais voir sur le sable une pièce de bois polie par la mer, et c’était un rocher argileux. (…) La dés-illusion n’est la perte d’une évidence que parce qu’elle est l’acquisition d’une autre évidence. Si, par prudence, j’en vient à dire que celle-ci est « en elle-même » douteuse ou seulement probable ( en elle-même, c'est-à-dire : pour moi, tout à l’heure, quand j’aurais approché un peu plus ou mieux regardé), cela n’empêche pas qu’au moment où je parle, elle se donne comme « réelle » hors de toute contestation, et non pas comme « très possible » ou probable et si dans la suite elle éclate à son tour, ce ne sera que sous la poussée d’une nouvelle « réalité ». Ce que je puis conclure de ces désillusions ou déceptions, c’est donc que peut être la « réalité » n’appartient définitivement à aucune perception particulière, qu’en ce sens elle est toujours plus loin, (…). En face d’une apparence perceptive, nous ne savons pas seulement qu’elle peut dans la suite « éclater », nous savons aussi qu’elle ne le fera que pour avoir été si bien remplacée par une autre qu’il n’en reste pas trace et que nous cherchons vainement dans cette roche crayeuse ce qui tout à l’heure était une pièce de bois polie par la mer. Chaque perception est muable et seulement probable ; si l’on veut, ce n’est qu’une opinion ; mais ce qui ne l’ai pas, ce que chaque perception, même fausse, vérifie, c’est l’appartenance de chaque expérience au même monde, leur égal pouvoir de le manifester, à titre de possibilités du même monde. »

 

Maurice Merleau-Ponty, Le Visible et l’invisible,  p.62-63

 

 

 

 

 

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« Alors, ce qui est donné, ce n’est pas la chose nue, le passé même tel qu’il fut en son temps, mais la chose prête à être vue, prégnante, par principe aussi bien qu’en fait, de toutes les visions qu’on peut en prendre, le passé tel qu’il fut un jour, plus une inexplicable altération, une étrange distance-relié, par principe aussi bien qu’en fait, à une remémoration qui la franchit mais ne l’annule pas. »

 

« Ce qu’il y a, c’est un écart ».

 

 

Maurice Merleau-Ponty, Le Visible et l’invisible,

p.163/164

 

 

 

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Le poète est un habitant de deux mondes,

l'un qui meurt, l'autre qui lutte pour naître.

 

Virginia Woolf

 

 

 

 

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Voyons, la vie est elle très solide ou précaire ?

Je suis hantée par ces deux idées opposées.

 

Cela dure depuis toujours; cela durera toujours,

Va jusqu’aux tréfonds du monde sur lequel je me tiens à cette minute même.

 

Mais elle est également transitoire, passagère, diaphane.

 

Je passerai comme un nuage sur des vagues.

 

 

Virginia Woolf, Journal, 1929

 

 

 

 

 

 

S1 : DEUX MONDES (?)

 

 

 

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UN HOMME QUI DORT / PROUST

 

 

"Un homme qui dort tient en cercle autour de lui le fil des heures, l’ordre des années et des mondes. Il les consulte d’instinct en s’éveillant et y lit en une seconde le point de la terre qu’il occupe, le temps qui s’est écoulé jusqu’à son réveil ; mais leurs rangs peuvent se mêler, se rompre. Que vers le matin, après quelque insomnie, le sommeil le prenne en train de lire, dans une posture trop différente de celle où il dort habituellement, il suffit de son bras soulevé pour arrêter et faire reculer le soleil, et à la première minute de son réveil, il ne saura plus l’heure, il estimera qu’il vient à peine de se coucher. Que s’il s’assoupit dans une position encore plus déplacée et divergente, par exemple après dîner assis dans un fauteuil, alors le bouleversement sera complet dans les mondes désorbités, le fauteuil magique le fera voyager à toute vitesse dans le temps et dans l’espace, et au moment d’ouvrir les paupières, il se croira couché quelques mois plus tôt dans une autre contrée. Mais il suffisait que, dans mon lit même, mon sommeil fût profond et détendît entièrement mon esprit ; alors celui-ci lâchait le plan du lieu où je m’étais endormi et, quand je m’éveillais au milieu de la nuit, comme j’ignorais où je me trouvais, je ne savais même pas au premier instant qui j’étais ; j’avais seulement dans sa simplicité première le sentiment de l’existence comme il peut frémir au fond d’un animal ; j’étais plus dénué que l’homme des cavernes ; mais alors le souvenir – non encore du lieu où j’étais, mais de quelques-uns de ceux que j’avais habités et où j’aurais pu être – venait à moi comme un secours d’en haut pour me tirer du néant d’où je n’aurais pu sortir tout seul ; je passais en une seconde par-dessus des siècles de civilisation, et l’image confusément entrevue de lampes à pétrole, puis de chemises à col rabattu, recomposaient peu à peu les traits originaux de mon moi."

 

Marcel Proust - Du côté de chez Swann, 1913

 

 

 

 

 

"Un être humain qui rêverait son existence au lieu de la vivre

tiendrait sans doute ainsi sous son regard,

à tout moment, la multitude infinie des détails de son histoire passée."

 

Henri Bergson, Matière et mémoire,

p.172

 

 

 

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"« Allons, Kitty, si tu veux bien m’écouter, au lieu de bavarder sans arrêt, je vais te dire tout ce que je pense de la Maison du Miroir. D’abord, il y a la pièce que tu peux voir dans le Miroir… Elle est exactement pareille à notre salon, mais les choses sont en sens inverse. Je veux la voir tout entière quand je grimpe sur une chaise… tout entière, sauf la partie qui est juste derrière la cheminée. Oh ! je meurs d’envie de la voir ! Je voudrais tant savoir s’ils font du feu en hiver vois-tu, on n’est jamais fixé à ce sujet, sauf quand notre feu se met à fumer, car, alors, la fumée monte aussi dans cette pièce-là… ; mais peut-être qu’ils font semblant, pour qu’on s’imagine qu’ils allument du feu… Tiens, tu vois, les livres ressemblent pas mal à nos livres, mais les mots sont à l’envers ; je le sais bien parce que j’ai tenu une fois un de nos livres devant le miroir, et, quand on fait ça, ils tiennent aussi un livre dans l’autre pièce.

 

« Aimerais-tu vivre dans la Maison du Miroir, Kitty ?Je me demande si on te donnerait du lait. Peut-être que le lait du Miroir n’est pas bon à boire… Et maintenant, oh ! Kitty !maintenant nous arrivons au couloir. On peut tout juste distinguer un petit bout du couloir de la Maison du Miroir quand on laisse la porte de notre salon grande ouverte : ce qu’on aperçoit ressemble beaucoup à notre couloir à nous, mais, vois-tu, peut-être qu’il est tout à fait différent un peu plus loin. Oh !Kitty ! ce serait merveilleux si on pouvait entrer dans laMaison du Miroir ! Faisons semblant de pouvoir y entrer, d’une façon ou d’une autre. Faisons semblant que le verre soit devenu aussi mou que de la gaze pour que nous puissions passer à travers. Mais, ma parole, voilà qu’il se transforme en une sorte de brouillard ! Ça va être assez facile de passer à travers… » Pendant qu’elle disait ces mots, elle se trouvait debout sur le dessus de la cheminée, sans trop savoir comment elle était venue là. Et, en vérité, le verre commençait bel et bien à disparaître, exactement comme une brume d’argent brillante.

 

Un instant plus tard, Alice avait traversé le verre et avait sauté légèrement dans la pièce du Miroir. Avant de faire quoi que ce fût d’autre, elle regarda s’il y avait du feu dans la cheminée, et elle fut ravie de voir qu’il y avait un vrai feu qui flambait aussi fort que celui qu’elle avait laissé derrière elle. « De sorte que j’aurai aussi chaud ici que dans notre salon, pensa Alice ; plus chaud même, parce qu’il n’y aura personne ici pour me gronder si je m’approche du feu. Oh ! comme ce sera drôle, lorsque mes parents me verront à travers le Miroir et qu’ils ne pourront pas m’attraper ! » Ensuite, s’étant mise à regarder autour d’elle, elle remarqua que tout ce qu’on pouvait voir de la pièce quand on se trouvait dans le salon était très ordinaire et dépourvu d’intérêt, mais que tout le reste était complètement différent.

 

Ainsi, les tableaux accrochés au mur à côté du feu avaient tous l’air d’être vivants, et la pendule qui était sur le dessus de la cheminée (vous savez qu’on n’en voit que le derrière dans le Miroir) avait le visage d’un petit vieux qui regardait Alice en souriant.

« Cette pièce est beaucoup moins bien rangée que l’autre », pensa la fillette, en voyant que plusieurs pièces du jeu d’échecs se trouvaient dans le foyer au milieu des cendres. Mais un instant plus tard, elle poussa un petit cri de surprise et se mit à quatre pattes pour mieux les observer : les pièces du jeu d’échecs se promenaient deux par deux !"

 

 

De l'autre côté du miroir, Lewis Caroll

 

 

 

 

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« J’étais certaine qu’il existait des réalités en dehors de toute logique, et qu’une plongée dans

l’inconscient – que j’appelle surconscient – était le moyen de les trouver »

 

« Dans les premières années, je peignais notre côté du miroir – pour moi le miroir c’est une porte –

Mais je pense que depuis lors j’ai passé outre »

 

 

Dorothea Tanning (1910-2012)

 

 

 

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« […] je ne me vis pas dans la glace !… Mon image n’était pas dedans… et j’étais en face moi ! […] Puis voilà que tout à coup je commençais à m’apercevoir dans une brume, au fond du miroir… C’était comme la fin d’une éclipse. […] Je l’avais vu ! »

 

Le Horla - Maupassant

 

 

 

 

 

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Dans tous vos films les miroirs jouent un très grand rôle…

 

Marguerite Duras :

 

« Oui c’est comme des trous, dans lesquels l’image s’engouffre, puis ressort. Je ne sais jamais où elle va ressortir…

 

L’apparition de Delphine (Seyrig) si loin, on peut l’éloigner à l’infini dans un miroir, elle arrive comme…du bout du cinéma…

 

Le miroir apporte une mise en doute de la présence réelle et de la parole »

 

 

 

 

 

 

 

« Les voyages (pour Lévi-Strauss, Warburg, Michaux, Rimbaud), les rêves (pour Freud), l’endormissement et les faux pas (pour Proust), le réveil et les passages (pour Benjamin), les hallucinations (pour Rimbaud), le deuil pour tous, organisent une désorientation, un hiatus, une fracture productrice.

 

Toutes ces transitions, tous ces intervalles, toutes ces déchirures renvoient au pouvoir de l’image tel que Didi-Huberman l’explicite « …l’image n’a pas de lieu assignable une fois pour toutes : son mouvement vise une déterritorialisation généralisée.

 

L’image peut être à la fois matérielle et psychique, externe et interne, spatiale et langagière, morphologique et informe, plastique et discontinue…

 

Ce que Benjamin suggère très précisément dans un texte où le motif psychique du réveil appelle celui, spatial, du seuil, et où le seuil lui-même est pensé comme une dialectique de l’image qui délivre toute une constellation, comme un feu d’artifice de paradigmes. Là en effet, jouent de concert l’espace et le désir, l’architecture et le rite, l’échange et la mort, la vision et la tombée dans le sommeil… » »

 

 

 

Thierry Millet, « Le dernier voyage : un voyage premier. Pour une poétique des seuils », in Cinéma et voyage, sous la direction de René Gardies, Champs visuels, L’Harmattan, 2007, pp.77-78.

 

 

 

 

 

 

S2 : PASSAGES (?)

 

 

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« A présent c’est au tour des ombres.

 

Pour le réalisme, c’était la façade. Pour l’impressionnisme, le caractère.

A présent, ce sont les ombres et les mouvements.

 

Les ombres, comme le prisonnier les voit du fond de sa cellule,

ces étranges trainées d’ombres grises qui s’enfuient et se rapprochent.

 

Qui ce déplient comme des éventails et se referment à nouveau,

se courbent et se divisent. »

 

 

Edvard Munch - 1913

 

 

 

 

 

GORKI "AU ROYAUME DES OMBRES"

 

 

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"La merveille, auprès de quoi le mérite d'un film déterminé est peu de chose, réside dans la faculté dévolue au premier venu de s'abstraire de sa propre vie quand le cœur lui en dit, au moins dans les grandes villes, sitôt franchie une de ces portes amorties qui donnent sur le noir"

 

 

André Breton, "Comme dans un bois",

cité in P. Hillairet, Passages du cinéma, p.167

 

 

 

 

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« Le spectateur de cinéma est à bien des égards dans la situation de l’hypnotisé. Fasciné par le rectangle lumineux qu’il a devant les yeux et qui ressemble à l’objet scintillant que l’hypnotiseur tient dans la main, il ne peut que succomber aux suggestions qui envahissent le vide de son esprit. »

 

 

Siegfried Kracauer

THEORIE DU FILM : la rédemption de la réalité matérielle

p.238/239

 

 

 

 

«  Ce qui sauve l’intoxiqué de cinéma de son isolement, ce  n’est pas tant le spectacle d’un destin individuel, qui risquerait au contraire de l’y replonger, que la vue de tous ces gens qui se mêlent et qui entrent en relation les uns avec les autres sur des modes toujours renouvelés. Ce qu’il recherche, ce sont les possibles ouverts par l’action dramatique plutôt que l’action dramatique elle-même. »

 

« En faisant siens ces possibles, il satisfait un autre désir encore. Nous l’avons vu plus haut, Hofmannsthal suppose que les rêves du spectateur réactivent ceux de son enfance, qu’il a enfouis dans son inconscient. « Toute cette végétation souterraine, écrit-il, frémit avec lui jusqu’au fond le plus obscur où elle a ses racines, alors que les yeux lisent sur le film papillotant l’image aux mille facettes de la vie. » Si Hofmannsthal a raison, le spectateur de cinéma retourne à l’enfance au sens où il règne magiquement sur le monde par le truchement des rêves qui prolifèrent par-dessus la réalité bornée. »

 

 

Siegfried Kracauer

THEORIE DU FILM : la rédemption de la réalité matérielle

p.253

 

 

 

 

 

 

PIQUE NIQUE A HANGING ROCK

 

 

 

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Rêve

 

 

 

UN RÊVE DANS UN RÊVE

 

 

 

Tiens ! ce baiser sur ton front ! Et, à l’heure où je te quitte, oui, bien haut, que je te l’avoue : tu n’as pas tort, toi qui juges que mes jours ont été un rêve ; et si l’espoir s’est enfui en une nuit ou en un jour, — dans une vision ou aucune, n’en est-il pour cela pas moins PASSÉ ? Tout ce que nous voyons ou paraissons n’est qu’un rêve dans un rêve.

 

 

 

Je reste en la rumeur d’un rivage par le flot tourmenté et tiens dans la main des grains du sable d’or — bien peu ! encore comme ils glissent à travers mes doigts à l’abîme, pendant que je pleure — pendant que je pleure ! Ô Dieu ! ne puis-je les serrer d’une étreinte plus sûre ? Ô Dieu ! ne puis-je en sauver un de la vague impitoyable ? Tout ce que nous voyons ou paraissons, n’est-il qu’un rêve dans un rêve ?

 

 

 

Edgar Allan Poe

 

Un Rêve dans un Rêve

 

Traduction par Stéphane Mallarmé.

 

Les Poèmes d’Edgar Poe, Léon Vanier, libraire-éditeur, 1889 (p. 37-39).

 

 

 

 

Lieu

 

 

Hanging Rock (également connu sous le nom de Mount Diogenes , Dryden's Rock et, pour certains de ses propriétaires traditionnels, sous le nom de Ngannelong), est une formation géologique distincte située dans le centre de Victoria , en Australie. Ancien volcan, il se situe à 718 m au-dessus du niveau de la mer (105 m au-dessus de la plaine) dans la plaine entre les deux petites villes de Newham et Hesket , à environ 70 km au nord-ouest de Melbourne et à quelques kilomètres au nord du mont Macedon.

 

 

 

Au milieu du XIXe siècle, les occupants traditionnels du lieu - les tribus du Dja Dja Wurrung, des Woi Wurrung et des Taungurung - en ont été chassés . Ils étaient ses occupants depuis des milliers d'années potentiellement et, malgré la colonisation, ont continué à entretenir des liens culturels et spirituels avec le lieu.

 

 

 

Hanging Rock devint un lieu de loisir et de tourisme pour la société coloniale coloniale. Il est passé alternativement sous contrôle privé, gouvernemental et mixte public-privé.

 

 

 

À la fin du XXe siècle, la région est devenue très largement connue comme étant le cadre du roman de Joan Lindsay, Picnic at Hanging Rock. 

 

 

 

 

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Roman

 

 

Hanging Rock a été l'inspiration et le cadre du roman Picnic at Hanging Rock, écrit par Joan Lindsay et publié en 1967. Le roman traitait de la disparition d'un certain nombre d'écolières lors d'une visite sur le site. Leur disparition a été expliquée dans le dernier chapitre, mais Lindsay a supprimé ce chapitre à la suggestion de son éditeur, pensant que le mystère était plus grand sans lui.

 

 

 

Le roman a inspiré le film Picnic at Hanging Rock, réalisé en 1975 et réalisé par Peter Weir. Le succès du film est à l'origine d'une augmentation substantielle du nombre de visites au rock et d'un regain d'intérêt pour le roman. Yvonne Rousseau a écrit un livre intitulé Les meurtres à Hanging Rock, publié en 1980, qui examinait les explications possibles de la disparition des filles.

 

 

 

Le dernier chapitre supprimé du roman a finalement été publié en 1987 après le décès de Joan Lindsay. Lindsay avait donné le droit d'auteur pour le dernier chapitre à son agent littéraire John Taylor, étant entendu qu'il ne le publierait qu'après sa mort. Il était intitulé Le secret de Hanging Rock.

 

 

 

 

 

Préface roman :

 

« Que pique-nique à Hanging Rock soit un fait ou une fiction, mes lecteurs doivent décider par eux-mêmes. Comme le pique-nique fatal a eu lieu en l'an mil neuf cent et que tous les personnages qui figurent dans ce livre sont morts depuis longtemps, cela ne semble guère important. »

 

 

 

 

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"Les filles rencontrent ensuite ce qui est décrit comme "un trou dans l'espace", par lequel elles pénètrent physiquement dans une fissure dans la roche à la suite d'un lézard; la femme sans nom se transforme en crabe et disparaît dans le rocher."

 

 

 

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Cézanne

 

Sainte Victoire

 

Maurice Merleau-Ponty, Sens et non-sens, Gallimard, Paris, 1966

 

 

 

p.18

 

« Cézanne n’a pas cru devoir choisir entre la sensation et la pensée, comme entre le chaos et l’ordre. Il ne veut pas séparer les choses fixes qui apparaissent sous notre regard et leur manière fuyante d’apparaître, il veut peindre la matière en train de se donner forme, l’ordre naissant comme une organisation spontanée. (…) C’est ce monde primordial que Cézanne a voulu peindre, et voilà pourquoi ses tableaux donnent l’impression de la nature à son origine (…).

 

 

 

 

p.22/23

 

« Pour tous les geste qui peu à peu font un tableau, il n’y a qu’un seul motif, c’est le paysage dans sa totalité et dans sa plénitude absolue – que justement Cézanne appelait un « motif ». Il commençait par découvrir les assises géologiques. Puis il ne bougeait plus et regardait, l’œil dilaté, disait Mme Cézanne. Il « germinait » avec les paysage. Il s’agissait, toute science oubliée, de ressaisir, au moyen de ces sciences, la constitution du paysage comme organisme naissant. Il fallait souder les unes aux autres toutes les vues partielles que le regard prenait, réunir ce qui se disperse dans la versatilité des yeux, « joindre les mains errantes de la nature », dit Gasquet. « Il y a une minute du monde qui passe, il faut la peindre dans sa réalité. » La méditation s’achevait d’un coup. « Je tiens mon motif », disait Cézanne (…). »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

S5 : LA ZONE (?)

 

 

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La Zone

 

Ceinturant Paris sur plus de 30 km, la Zone était une bande de terre située en avant de l'enceinte de Thiers — les anciennes « fortifs » — construite de 1841 à 1844 sous Louis-Philippe afin d'empêcher Paris de tomber aux mains d'armées étrangères comme lors de la bataille de Paris en 1814.

 

Après la défaite de 1870, cette zone non ædificandi (non constructible) est complètement abandonnée par l'armée et le plus grand bidonville de France va s'y développer. Il ne disparaîtra progressivement qu'à partir de 1956 lors de la création du boulevard périphérique de Paris, construit en grande partie sur la Zone.

 

Dès 1844, Paris est entouré de fortifications — l'enceinte de Thiers — au-delà desquelles s'étend une bande de terre située en avant des bastions : la zone de tir de canon que l'on appelle déjà « la Zone ».

 

Constituée d'un fossé, d'une escarpe et d'une contrescarpe, ainsi que d'un glacis militaire, cette bande de terre mesurait de 200 à 400 mètres de large selon les endroits et ceinturait Paris sur plus de 30 km. Il était interdit d'y construire quoi que ce soit car elle était désignée dans les règlements d'urbanisme de Paris sous l'appellation de zone non ædificandi (non constructible). Même les arbres y étaient abattus afin de dégager la vue aux défenseurs.

 

 

Dès l'abandon de son rôle militaire en 1871 (et donc bien avant sa démolition, de 1919 à 1929), une population pauvre, à laquelle on donnera tout d'abord le nom de « zoniers » (une expression qui n'est pas restée dans le vocabulaire commun mais qui a dérivé, au fil des années, vers « zonards », avec une connotation plus négative), commença à s'installer sur ces terrains en y construisant des cabanes en tout genre.

 

Ces nouveaux arrivants étaient essentiellement des ouvriers parisiens chassés par les transformations de Paris sous le Second Empire, la spéculation immobilière et les grands travaux du baron Haussmann, mais on y côtoyait également des paysans chassés par l'exode rural et transformés en prolétariat urbain.

 

La Zone compte vite jusqu'à 30 000 habitants et le site inquiète la bourgeoisie parisienne de l'époque, qui l'associe au mythe des bas-fonds parisiens.

 

 

Entre les deux guerres mondiales, la Zone a compté jusqu'à 42 000 habitants et en 1939, la plupart des terrains de l'ancienne enceinte sont encore en jachère. Après la Seconde Guerre mondiale, la démocratisation de l'automobile amène à réfléchir à la construction d'une nouvelle ceinture, cette fois-ci dédiée aux véhicules : à partir de 1956 et jusqu'au milieu des années 1970, la création du boulevard périphérique de Paris, construit au-delà de l'emprise proprement dite de l'enceinte de Thiers et en grande partie sur la Zone, amorce le déclin de cette dernière et continue de matérialiser la séparation entre Paris et sa banlieue.

 

 

 

 

 

Manifeste du tiers paysage : Gilles Clément  :

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Le Chiffonnier

 

« “Voici un homme chargé de ramasser les débris d’une journée de la capitale. Tout ce que la grande cité a rejeté, tout ce qu’elle a perdu, tout ce qu’elle a dédaigné, tout ce qu’elle a brisé, il le catalogue, il le collectionne. Il compulse les archives de la débauche, le capharnaüm des rebuts. Il fait un triage, un choix intelligent ; il ramasse, comme un avare un trésor, les ordures qui, remâchées par la divinité de l’Industrie, deviendront des objets d’utilité ou de jouissance.” Cette description n’est qu’une longue métaphore du comportement du poète selon le cœur de Baudelaire. Chiffonnier ou poète — le rebut leur importe à tous les deux ».

 

Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme (repris p.364/365- Le livre des passages – Walter Benjamin)

 

 

 

 

"Bien des objets échappent à notre attention simplement parce qu'il ne nous vient pas à l'idée de jeter les yeux sur eux. En général, on ne regarde pas les poubelles, la poussière de ses semelles, les déchets qu'on laisse derrière soi. Le film ignore ces répugnances (...) Le Berlin de Ruttmann est plein de grilles d'égouts, de caniveaux, et de rues jonchées d'immondices; et Cavalcanti, dans Rien que les heures, se montre à peine moins porté sur les ordures."

 

Siegfried Kracauer

 

 

"Ce matin, je suis allé voir l'endroit où les boueurs vont déposer les ordures (...) Sapristi, que c'était beau. (...) C'est un véritable sujet pour un conte d'Andersen, cet amas de seaux, de paniers, de chaudrons, de gamelles, de bidons, de fils de fer, de réverbères et de tuyaux de poêle dont les gens se sont débarrassés."

 

Vincent Van Gogh

 

 

Siegfried Kracauer, Théorie du film, La rédemption de la réalité matérielle, Paris, Flammarion, 2010, p.99. /

Vincent Van Gogh, Lettres à Van Rappard, Grasset, 2009, p.129.

 

 

 

 

 

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« Livrer des passages entre les fragments, les mettre en contact, en organiser la rencontre, frayer les chemins qui mènent d’un bout de monde ami à un autre sans passer en terre hostile, établir le bon art des distances entre les mondes »

 

Comité Invisible - Maintenant

 

 

 

 

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Interstices – Sylvain George

 

« Une sorte de cartographie spatiale se dessine, avec des figures du centre, des hyper-lieux traversés par toutes sortes de populations, de mouvements sociaux, comme des hors lieux, des interstices où ces jeunes gens essaient de survivre. Ainsi, se donnent à voir et à lire de multiples formes de violences sociales et politiques, des territoires discriminés, voire ségrégés, où se concentrent des inégalités multiples en matière d’emploi, de logements, etc. – et ceci depuis des années, des décennies. Cette cartographie spatiale se redouble en effet d’une cartographie temporelle qui permet de repérer certaines formes d’impensé comme l’impensé colonial, de lire le jeu des répétitions du « même », et la nécessité de produire de la « différence ». Différence, ouverture à l’imprévisible, que l’on peut lire dans des dynamiques, des recherches politiques expérimentales à l’œuvre dans des lieux hétérotopiques ainsi que l’on pourrait qualifier la place de la République durant les évènements de Nuit Debout, en écho avec les processus Occupy qui ont traversé le monde depuis 2011. »

 

Joffrey Speno  27 mars 2017     Cinéma, Documentaire, Entretiens - Diacritik

Paris est une fête – Un film en 18 vagues : Entretien avec Sylvain George

 

 

 

"Il y a un enjeu qui m’intéresse beaucoup, dans la lignée des peintres et cinéastes que vous citez, mais aussi de Baudelaire ou de Benjamin, qui est de soumettre la figure du « progrès » - entendu comme avancée linéaire vers un futur plus libre et assuré, qui caractérisait la modernité, et qui continue, en dépit du fait qu’elle soit battue en brèche dans le domaine des sciences sociales, à agir et influer sur nos modes de pensées et manières d’être - à une critique visuelle de type matérialiste.  Cette critique visuelle de l’idée toujours prégnante du progrès, passe par le fait d’accorder de l’attention, de mettre en évidence les rebuts, les restes ou les oublis que cette avancée triomphante laisse de côté, sacrifiés au bénéfice des vainqueurs du jour et de la classe dominante qu’ils constituent encore et toujours : « Tous ceux qui à ce jour ont obtenu la victoire, participent à ce cortège triomphal où les maîtres d’aujourd’hui marchent sur les corps de ceux qui aujourd’hui gisent à terre. Le butin, selon l’usage de toujours, est porté dans le cortège. C’est ce qu’on appelle les biens culturels.[1] » Comme hier le chiffonnier pouvait ramasser et récupérer les débris sacrifiés par l’histoire et rejetés hors de son cours, filmer selon des modalités et valeurs de plan différentes, ce qui est mis de côté, les lambeaux oubliés, les cabossés de la production moderne, comme tout autant les chemins de traverse ou muletiers que l’on peut emprunter, dans leur part la plus irréductible - ce que James Agee nommait « l’éclat cruel de ce qui est » - participe d’une part à une forme de sauvetage  - rassembler ce qui a été démembré mais sans pour autant reconstituer une belle totalité pleine avec les morceaux récoltés ; les conserver en lambeaux, traversés par des failles, des jours, des irrégularités : « […] Dans le grand récit marxiste, il faut du Tout pour faire un Monde. Pour le <matérialisme de chiffonnier>, il faut de tout, ce qui est tout l’inverse : du chaos non informé, du multiple non ordonnable à un sens, des rebuts et des rébus. Il faut des touts (Rosenzweig), soit des multiplicités inarticulées de micro-totalités, des lambeaux, les <débris> des travaux et des jours.[2] » - et d’autre part, à la mise en œuvre d’une temporalité comme on l’a vu précédemment, qui s’oppose à toute forme de progressisme – on connaît la fortune de ce mot aujourd’hui, que l’on oppose au populisme, sommant les personnes de choisir leur camp -  qui prétendrait transcender l’instant vécu vers un avenir seul digne d’orienter sa signification, et pour lequel il est appelé à se sacrifier, à se nier comme tel.  Pour autant, il me semble nécessaire de souligner que la « réalisation », la « mise en œuvre » de cette critique visuelle du progrès, de la violence, n’obéit pas à un plan préétabli, à un savoir qui sacrifierait à son tour d’autres possibles. Le fait de filmer va de pair avec une certaine ivresse qui induit, amène à la création de nouveaux rapports aux êtres et aux choses, comme au cosmos. Elle interdit pour le moins une compétence assurée de la part du cinéaste-chiffonnier, et elle fait de ses choix quelque chose de chaotique et de maladroit, une activité tâtonnante qui se refuse à la lucidité savante et ouvre à l’indéterminé."

 

Sylvain George, Entretien avec Nicolas Droin, Ecrire la ville au cinéma, ss la direction de N.Droin et M.Forret 



[1] Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire », opus cité, p. 432

[2] Gérard Bensussan, Marx le sortant, Paris, Ed. Hermann, 2007, p. 142-153.

 

 

 

 

 

 

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Le "devenir", la "création", l'"expérimentation" contre l'Histoire : Gilles Deleuze et Félix Guattari :

 

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Les "espaces autres" ou "hétérotopies" par Michel Foucault

 

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« Il n’est plus question d’utopie mais d’hétérotopies.

 

[Il nous faut soutenir] l’émergence d’une vie individuelle qui est un certain rapport au lieu à faire,

où des singularités font effraction. »

 

« Dans les interstices du tout dans lesquels nous avions trouvé refuge il n’y a pas si longtemps,

s’annonçait l’élan d’un nouveau siècle. »

 

« Il nous faut déployer l’attention des itinérants qui se mettent au défi des passages entre des mondes. »

 

 

Fragmenter le monde, Josep Rafanell I Orra, éditions divergences, 2019 

 

 

 

 

 

 

S4 : AU MILIEU DU NOIR ?

 

 

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« Au début, il y a le noir, d’où sons et images jaillissent comme les éclats du silex, avant de retomber aussi sec dans l’obscurité. Tout, dans « Le Livre d’image » ramène à ce noir, support intangible et marge sans bordure d’un film qui crépite par salves successives. L’écran n’est pas une toile blanche, mais un gouffre sans fond, une caverne d’où l’œuvre émerge. »

 

Mathieu Macheret,

« « Le Livre d’image », un Jean-Luc Godard ivre d’images », Le Monde, mai 2018

 

 

 

 

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« Mon instrument n’était plus le noir,

Mais cette lumière secrète venue du noir »

 

Pierre Soulages

 

 

 

 

 

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"Moi je voulais mettre en vue l’essence du cinéma argentique disparaissant, c’est-à-dire l’écran, le projecteur, les hauts-parleurs, les projectionnistes dans la salle faisant leur travail de rembobinage, faisant comprendre qu’il y a là une bobine, une bande, un ruban, que ce ruban existe en dehors du projecteur, comme il existe sur le mur quand je l’accroche, qu’on le met dans le projecteur et que cette machine, cet outil cosmique, le transforme en événement cinématographique. Point de référence : Étienne-Jules Marey, qui ne pensait pas à faire un divertissement pour un public qui paye, comme Lumière. Lumière était l’inventeur du cinéma commercial et non pas du cinéma même. C’était Étienne-Jules Marey qui avait les pensées sur le mouvement, qui a transformé le mouvement en moments statiques et qui l’a travaillé avec des machines, sans jamais cacher quelque chose." 

 

Peter Kubelka

 

 

 

 

 

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Narcisse, Le Caravage

 

 

 

 

 

S6 : LYNCH KIT ?

 

 

 

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« Il y a des indices partout autour de nous. Mais celui qui a construit le puzzle est malin.

Les indices, même s’ils nous entourent, sont pris pour autre chose.

 

Et cette autre chose, la mauvaise interprétation des indices, nous l’appelons notre monde »

 

La Femme à la Bûche

 

 

 

 

 

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« Je vois mes peintures plutôt comme les restes épars d’une réalité brisée, morcelée, une réalité

dont je tente de recueillir les fragments à partir de ce que je perçois.

 

Parfois les figures parviennent à se reconstituer comme image, représentation.

 

D’autres fois, elles se manifestent dans un délitement qui les maintient à l’état de lambeaux, de guenilles ;

mais il y a bien une tentative de reconstitution, un peu à la manière d’un archéologue »

 

 

Marc Desgrandchamps

 

 

 

 

 

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« La prédilection de Robbe-Grillet pour ces visions réfléchies est évidente et caractéristique. Le reflet, on le sait, est une forme affaiblie du double, qui est un compromis de même et d’autre : un même reproduit, donc aliéné. Forme encore atténuée de cette aliénation du même, la ressemblance, par où l’altérité suggère l’identité, ou l’altération, par où l’identité mime une différence. Ce rapport ambigu, sous ses formes diverses et complémentaires, est l’âme même de l’œuvre de Robbe-Grillet. « Tout se passe, écrit Philippe Sollers, comme si la matière de ses livres se composait d’éléments bruts de réalité agencés rythmiquement dans une durée qui surgit de leur juxtaposition…Il semble que certains éléments « s’appellent » l’un l’autre par une nécessité de structure. » (Sept propositions sur Alain Robbe-Grillet, Tel Quel, été 1960.) Cette nécessité de structure, ce « rapport insolite bien que pressenti », c’est cette relation de ressemblance dans l’altérité, ou d’altération dans l’identité, qui circule entre les objets, les lieux, les personnages, les situations, les actes et les paroles. Chaque roman de Robbe-Grillet possède donc une structure thématique, c'est-à-dire qu’il s’organise comme une suite de variations autour d’un nombre limité d’éléments qui jouent le rôle du thème fondamental, ou, comme disent les linguistes, du paradigme. »

 

 

« Autrement dit, il étale horizontalement, dans la continuité spatio-temporelle, la relation verticale qui unit les diverses variantes d’un thème, il dispose en série les termes d’un choix, il transpose une concurrence en concaténation (…) »

 

 

 

Gérard Genette, "Vertige fixé", in Figures, p.84/85

 

 

 

 

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Expérimenter un monde,

Jean-Marie Samocki

 

 

 

 

 

 

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"Des physiciens disent : les trous ne sont pas des absences de particules, mais des particules allant plus vite que la lumière."

 

Deleuze / Guattari, Mille plateaux - p.45

 

 

 

 

 

 

S7 HUMAINS, TROP HUMAINS ?

 

 

 

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« ça peut être mince comme une lame, je ne suis ni d’un côté ni de l’autre,

je suis au milieu, je suis la cloison,

j’ai deux faces et pas d’épaisseur,

c’est peut-être ça que je sens, je me sens qui vibre, je suis le tympan,

d’un côté c’est le crâne, de l’autre le monde,

je ne suis ni de l’un ni de l’autre »

 

Samuel Beckett, L’innommable

 

 

 

 

 

 

 

Texte "bonus" de Valère Novarina, "Ce dont on ne peut parler, c'est cela qu'il faut dire"

(merci à @noraclau, artiste "interstice", pour cette découverte)

 

 

 

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Hiroshi Sugimoto, Theatres

 

 

 

 

 

 

EAST COKER - T.S. ELIOT (EXTRAIT)

 

 

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La Terre vaine, T.S. Eliot

 

 

 

***

 

 

Quelques mots :

 

 

Un petit mot conclusif pour celles et ceux qui seront venus jusqu'ici. Le dernier cours été un peu "rapide", j'espère que les raccords entre les différentes idées et séquences n'étaient pas trop abrupts. Je vous laisse recréer les ellipses, intervalles et silences nécessaires entre les mots et les images. Tout est affaire de montage.

 

 

J'espère que le film de Yann Gonzalez vous a plu, je regrette que nous n'ayons pas pu échanger à ce sujet, n'hésitez pas à m'écrire vos impression ou à m'en parler si vous le souhaitez.

 

 

J'espère aussi que vous aurez compris que les "Interstices" sont bien plus larges et ouverts que ce que nous avons étudié, à vous de les débusquer (ou de les créer) : c'est d'abord une question de regard.

 

 

 

Je vous souhaite enfin, car c'est pour vous peut-être un des derniers cours de votre Licence Cinéma à Paris 8, le meilleur pour la suite. Puisse cette Licence vous avoir apporté des armes (pacifistes) pour penser par vous même, pour créer, pour partager et pour vous ouvrir aux autres et au monde.

 

 

 

Bonne chance dans vos projets actuels et futurs, en Master à Paris 8 ou ailleurs.

 

Intersticiellement,

Nicolas Droin

 

 

 

 

........à continuer..................

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



18/02/2024
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